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La Ponctuation- Gaulier

Hippolyte Broud

Dans un bouquin, les mots se baladent, vibrent, tremblent, s’agitent, frémissent sur une portée imaginaire. Ce mot sautille, celui-là s’ancre au fond d’un trou extrêmement sombre, cet autre, fixe comme un soleil, inanimé, gît obstinément. Le lecteur averti y décèle une farce. Le point qui conclut la phrase change la lumière de la portée imaginaire. Le point à la ligne exige une volte face générale. Stop! Tout le monde descend! On liquide! Du nouveau, du récent! Du jeune! Du moderne De l’insoupçonné! Et voilà une nouvelle portée imaginaire qui pointe son nez! Youpi! Le paysage change. Les parenthèses ouvrent une nuance démoniaque. Elles démolissent ! Elles prennent une componction dans l’art de dulcifier, tant de savoir-faire, de sérieux à passer pour une notation rapide et frivole, qu’à la fin du compte, elles jouent dans nos coeurs le rôle des cuivres et des tambours. Se méfier des parenthèses! Elles jouent les “Iago” de la phrase! Le changement de paragraphe, beaucoup plus radical et primitif, exige non pas du nouveau mais une révolution de l’âme:”Du passé faisons table rase...” Les mots ! Les signes! La calligraphie éveil notre imaginaire. Gare aux vulgaires pétouilles qui le tripoteraient à rebrousse-poil.



Philippe Gaulier, Le Gégéneur : Pensées sur le théâtre

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